La lettre de Socrate

On dit que Socrate n’écrivait pas. Il a pourtant écrit des lettres, et on pourrait penser qu’il a écrit la dernière à ses trois fils en attendant sa mort, dans sa prison. Il leur aurait transmis l’essentiel, un résumé de sa philosophie et de sa manière de vivre.

Extrait:

"Pendant plus de 40 ans j’ai arpenté les rues, les places, et les jardins d’Athènes. J’ai abordé comme un frère aîné les citoyens et les étrangers afin de les entretenir du bien et du beau. J’ai rendu visite aux philosophes, aux poètes, aux hommes politiques. J’ai pénétré dans les boutiques des tanneurs, des bouchers, des potiers. Partout j’ai essayé de montrer que la vraie sagesse est dans l’âme, qui est infiniment supérieure au corps. Rien n’a pu me détourner de ma mission, ni la pauvreté, ni les honneurs, ni la crainte de mes ennemis, toujours plus nombreux. J’ai été incorruptible. Je le serai bientôt pour toujours.
Pourquoi ai-je fait cela ? Après tout, j’aurais pu faire du commerce, comme votre mère m’y poussait. Nous aurions des cuillères en argent et des parfums suaves dans des flacons laqués. Mais je suis laid ; mes yeux sont exorbités, j’ai le nez camus, ma bouche est étroite, et je suis chauve depuis longtemps. Si je n’avais pas fait de philosophie, mon âme serait aussi laide que ma face, mes passions seraient aussi plates que mon nez.
Oh, bien sûr, vous entendrez souvent dire que Socrate était un taon, un serpent, ou même une torpille. Cela n’a rien à voir avec mon physique ; c’est que j’ai dérangé beaucoup d’hommes et de femmes. J’ai voulu les aider : il était nécessaire que je les bouscule, que je les réveille. Si cela leur a fait mal, c’est qu’ils en avaient besoin. Il n’y a pas de vérité sans douleur. Tout de même, excusez-moi auprès d’eux. Mais, par le chien, ne dites pas que c’est moi qui vous l’ai demandé !"

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