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Compte rendu orthophonique : les 5 lignes qui vous intéressent vraiment

Vous recevez un compte rendu d’orthophonie.

Deux pages de texte, un tableau de scores, des sigles mystérieux, parfois des pourcentages qui font peur.

Réflexe normal : soit vous lisez tout avec courage, soit vous le posez sur une pile en vous disant “je regarderai plus tard” (c’est-à-dire jamais).


L’objectif ici n’est pas de faire de vous des mini-orthophonistes.

L’objectif, c’est que vous sachiez où poser les yeux pour en tirer quelque chose d’utile en classe, sans surcharge d’information.


D’abord : ce que le compte rendu est… et ce qu’il n’est pas


Officiellement, le compte rendu d’orthophonie est un document médical.

Il est rédigé pour le médecin prescripteur, parfois pour le médecin scolaire. Il appartient à la famille, qui choisit de vous le montrer ou pas.

Quand vous le recevez, ce n’est pas pour :

  • poser un diagnostic,
  • juger la qualité de la prise en charge,


Votre rôle, c’est d’y chercher :

  • comment fonctionne l’élève,
  • ce qui lui est vraiment difficile,
  • quelles pistes d’adaptation sont suggérées.


Pour ça, la bonne nouvelle, c’est que vous pouvez ignorer une grande partie du contenu sans aucun scrupule.


1. Les scores que vous pouvez (quasi) oublier


C’est souvent ce qui saute aux yeux :

tableaux, notes standard, percentiles, z-scores, lignes de normes.

Pour vous, la plupart de ces informations sont inexploitables directement.

Même pour nous, elles n’ont de sens que replacées dans un ensemble.

Ce que vous pouvez vous permettre de zapper :

  • les détails de chaque test, avec les scores chiffrés,
  • les tableaux très détaillés avec des colonnes partout,
  • les noms exacts des épreuves si cela ne vous parle pas.


Ce n’est pas là que vous allez trouver comment adapter vos évaluations de dictée ou votre manière de donner une consigne.

Si vous aimez les chiffres, libre à vous de les regarder.

Mais ne vous sentez pas obligé d’en faire quelque chose. On ne vous demandera jamais de les interpréter.


2. La première ligne qui compte : le motif et la plainte


Avant d’aller dans le “technique”, commencez par le début : le motif de consultation et ce que rapportent les parents, parfois l’enseignant.


C’est là qu’on trouve des phrases du type :

  • “Difficultés importantes en lecture depuis le CP, persistant en CE2.”
  • “Comprend mal les consignes orales, a besoin de répétitions fréquentes.”
  • “Très lent à l’écrit, n’arrive pas à terminer les évaluations.”


Ce passage vous dit pourquoi l’enfant est là.

Il est précieux pour vérifier si vous observez la même chose en classe, ou au contraire si vos observations divergent.


Si, dès le motif, vous vous dites : “Ah oui, c’est exactement ce que je vois”, c’est que vous êtes déjà aligné avec la famille et l’orthophoniste sur le problème de départ.


3. La deuxième ligne : la synthèse des résultats, en français “normal”


Plus loin dans le compte rendu, après les tests, vous trouvez généralement une synthèse ou un paragraphe d’interprétation.


C’est le moment où l’orthophoniste quitte le langage “chiffré” pour dire ce que ça veut dire pour de vrai.

C’est là que vous allez lire des formulations du style :

  • “Les compétences en compréhension orale sont préservées, mais la mise en mots reste difficile.”
  • “La lecture est correcte en compréhension, mais la vitesse est très en-deçà de la norme.”
  • “On observe un trouble spécifique du langage écrit avec atteinte majeure de l’orthographe.”


Ce passage répond à la question :

Qu’est-ce qui est solide, et qu’est-ce qui est vraiment fragile chez cet élève ?


C’est la partie du CR qui vous intéresse le plus sur le plan pédagogique.


Vous pouvez presque surligner mentalement : “compétences préservées”, “très en difficulté sur…”, “fort retentissement scolaire”.


4. La troisième ligne : le retentissement fonctionnel


On pourrait appeler ça “la traduction dans la vraie vie”.

Une chose est de savoir que l’élève a un trouble de la voie d’assemblage en lecture.

Autre chose est de savoir ce que ça donne concrètement en classe.


Quand le compte rendu est bien fait, l’orthophoniste y explique par exemple que :

  • l’élève lit très lentement, fatigue vite, et ne comprend plus ce qu’il lit au bout de quelques lignes,
  • il a du mal à retenir les consignes complexes, même si elles sont expliquées calmement,
  • il évite l’écrit, produit très peu, se met en échec avant de commencer,
  • il a tendance à décrocher dès que trop d’informations arrivent en même temps.

C’est souvent ce qu’on appelle les indicateurs fonctionnels.

Ce sont eux qui doivent guider vos décisions :

  • Est-ce que je lui demande de lire seul ce texte de 25 lignes ?
  • Est-ce que je charge cette fiche de consignes écrites ?
  • Est-ce que je peux sérieusement l’évaluer comme les autres sur la dictée de mots rares ?


Si vous n’avez le temps de lire qu’un passage, c’est celui-là.


5. La quatrième ligne : la conclusion diagnostique


Vous verrez parfois des termes comme : trouble spécifique du langage écrit, dyslexie, dysorthographie, trouble développemental du langage, difficultés d’attention avec retentissement scolaire, etc.

Vous n’êtes pas obligé d’entrer dans tous les détails nosographiques.

L’enjeu pour vous n’est pas d’apprendre par cœur la différence entre TSLE et dyslexie, ou entre TDL et l'ex dysphasie.


L’enjeu, c’est de retenir que :

  • on est face à un profil durable,
  • qui nécessite des aménagements,
  • et une vision réaliste des progrès possibles.


La conclusion diagnostique justifie le besoin d’un PAP, d’un PPS ou d’aménagements ciblés.

Elle vous protège aussi de l’illusion du “il suffit qu’il se concentre”.


6. La cinquième ligne : les recommandations scolaires


C’est normalement la partie que vous devriez pouvoir utiliser directement.


On y trouve des éléments comme :

  • privilégier les consignes courtes, une à la fois,
  • autoriser la lecture des consignes par l’adulte,
  • réduire la quantité de copie,
  • adapter la longueur des textes,
  • tolérer certaines erreurs d’orthographe dans les productions,
  • différencier l’évaluation (par exemple noter le contenu sans sur sanctionner l’orthographe).

C’est ce qu’on peut appeler la conversion pédagogique du bilan.


Si cette partie est très brève ou peu claire, vous êtes tout à fait légitime à dire à la famille : “J’ai bien lu le compte rendu, mais j’aurais besoin de précisions sur les aménagements. Est-ce que vous seriez d’accord pour que je pose quelques questions à l’orthophoniste ?”


7. Comment transformer un CR en adaptations concrètes


Une fois que vous avez ces cinq éléments en tête, la démarche peut être très simple :

  1. Vous repérez les points forts (par exemple bonne compréhension orale, bon raisonnement).
  2. Vous repérez les points faibles (par exemple lenteur en lecture, orthographe sévèrement touchée, mémoire de travail verbale limitée).
  3. Vous regardez quelles tâches de classe tapent précisément là où l’élève est le plus fragile.
  4. Vous décidez où vous pouvez ajuster sans dénaturer l’objectif.


Un exemple :

Le CR indique une lecture très lente mais une bonne compréhension à l’oral. Pour une évaluation d’histoire, vous pouvez garder le même texte et le lire à voix haute, ou proposer les questions à l’oral. Vous évaluez alors la compréhension historique, pas la vitesse de décodage.


Autre exemple :

Le CR pointe un trouble sévère de l’orthographe, mais une capacité à organiser ses idées. Vous pouvez proposer d’abord une dictée à l’adulte, puis, plus tard, un écrit autonome mais en réduisant les exigences orthographiques pour certaines tâches. Vous laissez l’élève exister intellectuellement, même avec un écrit fragile.


8. Vous avez le droit de lire vite (et de demander de l’aide)


Personne ne s’attend à ce que vous analysiez un compte rendu d’orthophonie comme un spécialiste.


Vous avez le droit :

  • de survoler les scores,
  • de lire seulement l’introduction, la synthèse, la conclusion et les recommandations,
  • de garder le reste “pour plus tard” ou pour un temps d’équipe éducative.


Vous avez aussi le droit de dire que ce n’est pas clair, que vous ne comprenez pas certains termes, et de demander, via la famille, une reformulation ou des précisions.


Au fond, si vous sortez de la lecture du CR avec ces trois idées :

  • “Je comprends mieux comment fonctionne cet élève”,
  • “Je vois sur quoi il est vraiment en difficulté”,
  • “J’ai deux ou trois pistes concrètes pour adapter ma classe”,

alors vous avez déjà fait exactement ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un enseignant face à un document médical!