Ou comment chaque cerveau a sa propre façon de décrypter le monde
La compréhension, cette alchimie mystérieuse entre les mots qui arrivent à nos oreilles ou sous nos yeux et le sens qui émerge dans notre esprit, peut parfois ressembler à un parcours du combattant.
En orthophonie, nous rencontrons une belle diversité de profils qui nous rappellent que le cerveau humain a décidément plus d'un tour dans son sac pour nous surprendre. 🥸🧠
La déficience intellectuelle (DI) : quand le cerveau prend son temps
Le portrait de famille
Imaginez un ordinateur qui fonctionne parfaitement, mais avec une connexion internet un peu plus lente que la moyenne. C'est un peu l'image que l'on peut avoir de la compréhension chez les personnes avec une déficience intellectuelle : tout y est, mais le traitement de l'information demande plus de temps et d'étayage.
En compréhension orale :
- Les phrases à rallonge deviennent des marathons cognitifs épuisants
- La mémoire de travail joue à cache-cache avec les informations
- Les concepts abstraits semblent s'évaporer comme de la fumée
- L'implicite reste... implicite (et c'est bien le problème !)
En compréhension écrite :
- Le décodage peut être au rendez-vous, mais le sens fait parfois faux bond
- Les textes complexes deviennent des labyrinthes sans fil d'Ariane
- La compréhension préfère rester au premier degré, merci bien
L'art de l'accompagnement
L'orthophoniste devient alors un guide patient, découpant les informations en portions digestibles, utilisant le visuel comme béquille cognitive et célébrant chaque petit pas vers la compréhension.
Le Trouble Développemental du Langage (TDL) : quand les mots jouent à cache-cache
Un trouble qui ne manque pas de... caractère
Le TDL, anciennement connu sous le nom de "dysphasie" (mais qui a décidé de faire peau neuve), nous offre un panel de difficultés aussi variées que les couleurs d'un arc-en-ciel après l'orage.
En compréhension orale :
- Les phrases complexes deviennent des énigmes à résoudre
- La syntaxe se transforme en code secret indéchiffrable
- Le vocabulaire peut jouer à l'éclipse totale au moment le moins opportun
- Les consignes multiples provoquent l'équivalent d'un embouteillage cérébral
En compréhension écrite :
- L'écrit hérite souvent des difficultés de l'oral, avec bonus de complexité
- La morphosyntaxe écrite devient un terrain miné
- Les inférences textuelles restent dans le domaine de l'inexploré
La boîte à outils thérapeutique
Ici, l'orthophoniste jongle entre étayage syntaxique, enrichissement lexical et stratégies métacognitives, tout en gardant le sourire (c'est dans le cahier des charges).
Le Trouble du Spectre de l'Autisme (TSA) : une compréhension à géométrie variable
Quand la différence devient richesse
Les personnes avec TSA nous rappellent que la compréhension peut emprunter des chemins détournés, parfois plus efficaces que les autoroutes classiques.
En compréhension orale :
- Le sens littéral règne en maître (les expressions imagées, c'est pour les autres)
- Les doubles sens provoquent des courts-circuits cognitifs
- La prosodie devient parfois un langage étranger
- Le contexte social peut transformer une phrase simple en rébus
En compréhension écrite :
- Les centres d'intérêt spécifiques peuvent créer des îlots d'excellence
- La compréhension inférentielle demande un GPS cognitif
- Les textes socialement connotés restent hermétiques
L'approche sur-mesure
L'orthophoniste devient alors un traducteur entre les codes sociaux implicites et la logique cristalline de la personne avec TSA.
Le Trouble Spécifique des Apprentissages avec déficit en Lecture (TSLE) : quand l'écrit résiste
La dyslexie dans tous ses états
Ah, la dyslexie ! Cette grande incomprise qui transforme parfois la lecture en parcours du combattant digne d'un triathlon olympique.
En compréhension écrite :
- Le décodage monopolise tellement d'énergie qu'il n'en reste plus pour comprendre
- Les mots se battent en duel sur la page
- La fluence joue à la tortue quand il faudrait un lièvre
- La compréhension fine devient mission impossible
En compréhension orale :
- Souvent préservée, elle devient la voie royale d'accès aux apprentissages
- Peut présenter quelques fragilités en traitement phonologique
La stratégie gagnante
L'orthophoniste mise sur les forces orales tout en travaillant patiemment les automatismes de lecture.
Le Trouble Développemental de la Coordination avec trouble associé de la parole (TDSP) : quand la parole et la compréhension dansent ensemble
Un tango complexe
Anciennement appelée dyspraxie verbale/retard-trouble de la parole, cette condition nous montre que parole et compréhension peuvent parfois marcher main dans la main... ou se marcher dessus.
Spécificités :
- La compréhension peut être impactée par les difficultés de production
- Les boucles audio-phonatoires perturbées influencent parfois la compréhension
- La fatigue cognitive liée aux efforts de production peut déborder sur la compréhension
La stratégie de l'orthophoniste
L'orthophoniste devient alors un véritable chef d'orchestre, coordonnant les gestes articulatoires grâce au renforcement des boucles sensorimotrices, utilisant des supports visuels, des stratégies de ralentissement de la production, un travail sur la conscience phonologique et l'aménagement des situations de communication tout en préservant l'accès au sens. En somme, il s'agit de démêler ce tango complexe entre parole et compréhension, en donnant à chacun sa place sur la piste de danse !
Le TDAH : quand l'attention fait du surf
L'attention, cette funambule
Le TDAH nous rappelle que comprendre, c'est d'abord être capable de maintenir son attention sur la tâche. Un défi de taille quand le cerveau a décidé de faire du multitâche involontaire !
Les défis spécifiques :
- L'attention sélective joue à saute-mouton
- La mémoire de travail fait des siennes
- Les consignes longues se volatilisent en cours de route
- L'impulsivité peut court-circuiter la réflexion
La stratégie anti-zapping
L'orthophoniste devient un expert en "captation d'attention", armé de stratégies pour dompter ce cerveau hyperactif en fractionnement des consignes en micro-doses digestibles (une information = une pépite à la fois), avec l'utilisation de supports visuels et kinesthésiques , la mise en place de "pauses cognitives" avant que le cerveau ne sature, des techniques de métacognition et la chasse aux distracteurs !
L'objectif ? Transformer ce cerveau-funambule en équilibriste de la compréhension, capable de jongler avec les informations sans tout faire tomber !
Le Haut Potentiel Intellectuel (HPI) : quand comprendre va trop vite
Le paradoxe de l'efficience
Attention, terrain glissant ! Le HPI n'est effectivement pas une pathologie, mais peut créer ses propres défis de compréhension.
Les particularités :
- Compréhension rapide mais parfois superficielle
- Difficulté avec les tâches "trop simples"
- Besoin de complexité pour maintenir l'engagement
- Possible dyssynchronie entre compréhension et expression
L'art de l'équilibriste cognitif
L'orthophoniste devient alors un maître du dosage, jonglant entre stimulation et frustration :On propose de tâches complexes et stimulantes pour maintenir l'engagement (exit l'ennui mortel !), on travaille sur la tolérance à la "simplicité" nécessaire pour certains apprentissages, on stimule le développement de stratégies métacognitives pour ralentir et approfondir la réflexion, on accompagne les dyssynchronies et troubles associés, et enfin on valorise de la pensée divergente tout en structurant la pensée convergente.
Le défi ? Nourrir ce cerveau affamé de complexité sans créer de nouvelles frustrations, et lui apprendre que parfois, aller doucement... c'est aller sûrement !
La surdité : quand le canal auditif fait défaut
S'adapter à une autre modalité
La surdité nous enseigne que la compréhension peut emprunter d'autres voies que l'audition, avec ses propres richesses et défis.
Les adaptations nécessaires :
- Développement privilégié de la compréhension visuelle
- Importance de la Langue des Signes ou de la lecture labiale
- Spécificités syntaxiques selon le mode de communication
- Enjeux particuliers pour l'écrit selon le parcours linguistique
L'art de la communication visuelle
L'orthophoniste devient un architecte de passerelles communicationnelles, explorant toutes les voies d'accès au sens grâce au développement des compétences en lecture labiale et/ou en Langue des Signes selon le projet familial, le renforcement de la compréhension écrite comme voie royale d'accès aux apprentissages et le travail sur les spécificités syntaxiques liées au mode de communication privilégié
L'objectif ? Prouver que quand une porte se ferme (l'audition), mille fenêtres s'ouvrent sur le monde du sens et de la communication !
Conclusion : l'art de comprendre dans sa diversité
Chaque profil nous rappelle que la compréhension n'est pas un long fleuve tranquille, mais plutôt un réseau complexe de rivières, cascades et méandres. Notre rôle d'orthophoniste ? Devenir des guides expérimentés, capables de trouver le bon chemin pour chaque voyageur unique que nous accompagnons.
Car au final, comprendre, c'est peut-être simplement accepter que chaque cerveau ait sa propre partition pour jouer la symphonie du sens. Et notre baguette de chef d'orchestre ? Elle s'appelle bienveillance, créativité et adaptation permanente.
Alors, prêts pour la prochaine consultation ? Votre patient vous attend, avec son propre mystère à élucider...
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